Laurent Henrion - MONOLITHE

La fille aux cheveux noirs et aux lèvres très minces
Que nous connaissons tous sans l’avoir rencontrée
Ailleurs que dans nos rêves. D’un doigt sec elle pince
Les boyaux palpitants de nos ventres crevés.

« La fille », poème extrait du recueil La poursuite du bonheur du prophétique Michel Houellebecq.
 

                                                      *

On est allés boire des verres au Volga jeudi passé avec les collègues du bureau. Entre adultes consentants, dans une sagesse presque sainte. Je me souviens de tout comme si c’était hier. Un calme olympien…

On est cinq ou six au début. On se pose autour de la table en verre, à gauche de l’entrée. En attendant, je me vautre dans le divan, je suis fané. Trois nouveaux collègues nous rejoignent. Négociations où poser nos fesses pour élargir le cercle. Je me retourne vers les pourparlers, mais les nie en bloc. Qu’on me foute la paix. Je cherche du réconfort. Ne serait-ce que visuel ?                                                                              
Devant moi, sur le disque transparent, trainent quelques bouquins à l’abandon. Je tire le premier dans un élan de solitude. Un recueil de textes d’une poétesse liégeoise inconnue au bataillon. Inintéressant et stérile. Y’a deux ou trois gazettes. Une édition spéciale du Vlan qui couvre Noel 2023. Ça me rappelle cette très bonne Bestiale. Je tourne les pages pour regarder les pubs. La collègue de gauche se lève soudainement du divan. Direction la table centrale. Dix chaises. Ça devrait faire le compte pour réunir tout le groupe. Je reste assis, complétement passif à ce mouvement. Mes yeux repartent sur la pile de feuillets. Une épaisseur noire intrigue particulièrement mon attention. Je soulève encore une Meuse, un exemplaire du Soir et un autre recueil raté pour découvrir un objet particulier.

Sur la couverture, en carton solide et compact, il est écrit ‘Monolithe’ en blanc. Le grain est coriace et rigide. Le bouquin doit faire dans les 800 grammes. Sur le tiers inférieur du cadre, les quatre premières lettres sont déposées sur les cinq suivantes. Des traces blanches soulignent le titre. Ça donne un effet d’apaisement et de calme. Tout ce qu’il me faut… Un cube noir en tapisse le sommet. Sur la tranche, Laurent Henrion, le nom de l’auteur ? Inconnu au bataillon... J’ouvre prudemment l’affaire. Un livre de photos. Le bonheur total dans l’état dans lequel je suis ! Pas une phrase, pas un mot, pas un pet ! Mais les idées transpirent à chaque page. Un collier de perles enchaine sur du noir, du flou brûlé, des corps dénudés qui me dévisagent, ou qui posent cachés. Des morceaux de peau, une piscine coquillage rose, des mains, des cuisses, des pieds, des robes, des arbres, des colonnes, des apparitions spectrales et fantomatiques. On en revient aux Spectres de Marx de Derrida, à l’hantologie, à Simon Reynolds, au travail de The Caretaker, Burial ou Joy Division. Je suis en présence de fantômes sculptés dont on aurait tiré le portrait en embuscade.

On me rappelle à l’ordre. Je fais signe que je cherche un truc, qu’ils s’impatientent pas. Alors au fond de l’ouvrage, après les lueurs rouges, rose et orangées, j’aperçois quelques lignes : « Monolithe est une série au long cours autour de la notion de désir au sens large du terme, que Laurent Henrion appréhende comme une recherche et une exploration de sa relation à ce sentiment. » C’est sorti cette année chez Hématomes. J’suis pas encore totalement hors-jeu.                    
La soirée c’est bien passé, si ça peut vous rassurer. On a fini au resto libanais juste en face (que je vous conseille aussi). J’ai laissé passivement mes collègues commander, ça me réussissait jusqu’ici. Je suis remonté chez moi repus, mais mon enquête ne faisait que commencer…

Le vendredi, quelques heures après cette première rencontre, je suis descendu en ville pour acheter une boucle de ceinture en cuire. Tout est prétexte… Pour patienter pendant le travail de mon cordonnier, je me suis réservé une petite visite à la Biennale de l’Image Possible à l’ancienne bibliothèque des Chiroux. Déjà le troisième truc que je vous conseille dans ce papier… Une intuition me taraude, et si Laurent Henrion était ici ? Enfin, et si son Monolithe trainait dans les parages ? Je pose la question aux deux petites pupuces de l’entrée. BAM ! pile dedans ! elles m’indiquent que c’est sur la grande table de l’accueil ! juste derrière moi ! Je me retourne et le chope directement. Je rentre dans l’expo, trouve le premier banc pour me poser. Lentement, je tourne les pages les unes après les autres, je savoure une expo dans l’expo. 

Je n’ai jamais retrouvé cette fille aux cheveux noirs

 

 

MONOLITHE
MONOLITHE
MONOLITHE
MONOLITHE
Publié le 7 Mai 2024 par

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